En posant la peur comme principe heuristique de la responsabilité, Hans Jonas introduit un concept que la tradition philosophique, essentiellement rationaliste, écarte du champ de la rationalité. Une telle approche ne manque pas de soulever des réserves sur la capacité de la peur à fonder l’agir tant dans le domaine de l’action politique que de l’investigation scientifique. Au-delà des progrès de la science et de l’apport de la technique dans l’amélioration des conditions de vie de l’homme, c’est l’ontologie de l’artefact technologique au sein de la culture technoscientifique qui amène à remettre en question le recours à la peur. Celle-ci renforce l’accusation écofictionniste à l’égard de Jonas et est perçue comme inhibitrice de la recherche scientifique ou entravant les décisions politiques. Mais cette dualité entre la peur et la raison peut être dépassé par une approche compréhensive de la technique et par un contrôle de la technique dont l’autonomie exige non pas une peur pathologique ou un technicisme exagéré mais une précaution bien mesurée.